Pâques 2002: randonnée en Haute-Tinée

Dimanche

En ce début de printemps, nous sommes 4 à nous retrouver devant la maison du parc du Mercantour à St-Etienne de Tinée, pour profiter du week-end de Pâques. Il y a là un nouveau venu, Jan, depuis peu à l'INRIA Sophia, et qui ne sait pas encore pourquoi les habitués évitent de croiser Ludo dans les couloirs, surtout à la veille d'une série de jours fériés et ensoleillés. Notre vénéré prez est donc présent lui aussi, après avoir tenté de faire croire qu'il ne pourrait venir. Enfin, deux parisiens Matthieu et moi-même, qui espèrent encore pouvoir rivaliser avec les locaux, malgré une absence caractérisée d'entraînement dans ce domaine. Ludo et moi retrouvons là un terrain connu, puisqu'en novembre nous avions nous exprimer pleinement, avec l'intenable Seb et des sacs plus légers dans la montée jusqu'au chemin de l'énergie (1200m de dénivellé).

Délaissant les cloches qui invitent les fidèles à se rassembler à l'église, nous entamons la montée (~9h45). Quoiqu'en dise Ludo, celle-ci s'effectue sur un rythme assez correct, compte tenu du chargement que nous transportons: un peu de matériel pour la neige, et surtout de quoi passer une nuit correcte en altitude, le refuge de Rabuons n'étant pas gardé. L'itinéraire lui même est propice à ce genre de chose: il se compose essentiellement de lacets assez raides qui escaladent la ligne de plus grande pente. Quelques alpages, au début de la montée, permettent de contempler les sommets encore enneigés du Mercantour et d'ailleurs, sous un ciel parfaitement limpide. Enfin, ça et là, quelques clairières où l'herbe est déjà verte et tendre, et où le chemin s'autorise un petit replat incitent à la flânerie et à la détente...

Heureusement, Ludo est là pour remettre un peu d'ordre dans tout cela, et nous arrivons rapidement aux derniers lacets avant le chemin de l'énergie, qui nous découvrent le refuge de Rabuons, et les contreforts de nos objectifs potentiels, Corborant, Ténibre, grand Cimon de Rabuons,... Le décor est maintenant plus rocailleux, et nous pouvons observer une famille de chamois descendre dans un vallon en sautant de rocher en rocher. Une fois sur le chemin lui même, (~11h45) nous nous attardons à contempler le décor avant de repartir en pente douce vers le refuge. Nous mangeons au soleil environ 10m en dessous dudit refuge. Pendant que nous goûtons aux joies du farniente, un groupe nous rejoint, certes pas très nombreux (3 personnes), mais nous pouvons espérer ne pas être seul au refuge ce soir. En attendant, nous allégeons nos sacs, et repartons pour la promenade de l'après-midi (~14h15). L'obejctif est le pas du Corborant, et si possible le Corborant lui même, situé, ainsi que Matthieu le fait remarquer à à peine 100m au dessus.

Pour partir, nous contournons le lac de Rabuons par la droite, suivant plus ou moins les traces de skieurs de rando. Nous restons en long moment à flanc, avec quelques montées et descentes pour rallier des pierriers plus ou moins deneigées, où la progression, du moins quand on est à pied, est plus facile. Enfin, c'est l'arrivée au pied du couloir qui mène au pas du Corborant. La pente est raide, mais la neige idéale, et Ludo trace des lacets tout au long de la pente. Au bout d'un certain temps, nous arrivons à un petit replat, avant l'assaut final, très raide. Là encore, l'état de la neige permet une montée sans réel problèmes, bien que les 20 derniers mètres présentent une pente impressionnante vue du haut. En fait, nous n'arrivons pas au col officiel (celui où se trouve le panneau) mais à une petite brèche située juste à côté, et au pied de la montée finale au Corborant (~16h15). Jan décide de rester au col, pendant que nous tentons la montée. Il s'avère rapidement que celle-ci ne sera pas de tout repos: ici, la neige est complètement fondue, et il est impossible de servir de piolet ou de crampons. Le rocher est pourri, et même des blocs relativement gros restent dans la main. Pour couronner le tout, le passage est bien aérien, assez étroit, et l'ascension plutôt raide. Matthieu profite d'un passage plat et (tout est relatif) plus large que la moyenne pour dire qu'il nous attend là (note de l'intéressé : la plus grosse des pierres que l'un des deux, s'étant élevé de 5 mètres, a détachées dans ma direction à ce moment précis faisait au moins cinq kilos... on ne le dira jamais assez, faites TRES attention à cela quand vous êtes en montagne -- ma famille en sait malheureusement quelque chose ). Nous continuons donc un petit moment avec Ludo. Le sommet est proche, mais le terrain de plus en plus difficile. Finalement, nous sommes bloqués devant une langue de neige, qui ne serait qu'une formalité si elle avait le bon goût d'être un peu plus consistante. J'essaie de la contourner par le rocher à sa droite, en évitant de faire tomber des cailloux sur Ludo qui pourrait ne pas apprécier, mais, faute de voir un itinéraire correct pour la suite, et surtout pour la redescente, préfère ne pas prendre de risque. C'est dommage, car nous sommes sans doute à 10 ou 15 m de dénivellé du sommet, mais Ludo n'a pas l'air de s'en plaindre. Les premiers mètres de la redescente ne sont pas facile, d'autant plus que notre premier passage a encore un peu plus fragilisé la neige. Dès que nous atteignons le rocher, tout devient plus facile, et nous rejoignons Matthieu, puis Jan sans encombre. (~17h00)

Ensuite, la redescente du col est beaucoup plus facile. C'est un vrai bonheur que de retrouver de la neige qui tient sous ses pieds. Nous avançons à une vitesse fort honorable, excepté au début où la raideur de la pente oblige à une certaine prudence. Ensuite, quelques séquences de piolet-ramasse et de course dans la neige permettent de revenir au pied du couloir beaucoup plus rapidement que nous ne sommes montés. Ensuite, commence la longue traversée vers le refuge. Matthieu est fidèle à sa réputation de descendeur fou et arrive largement avant nous. Une fois arrivés (~18h00), nous constatons que nous serons finalement seuls à passer la nuit à 2500m. Pendant que Ludo et moi descendons chercher de l'eau dans le ruisseau qui passe près de l'installation pseudo militaire située 30 mètres en dessous du refuge, Jan et Matthieu s'occupent du dîner. Afin de profiter des dernières lueurs du jour, nous mangeons dehors, pendant que poële s'evertue à rechauffer un peu l'intérieur du refuge. Il fait déjà bien froid alors même que le soleil vient juste de se cacher, ce qui laisse augurer d'une nuit plutôt glaciale. Les préparatifs d'après dîner sont donc réduit au strict minimum: rassembler les bouteilles d'eau près du feu pour éviter qu'elle ne gèle, tenter de faire sécher les chaussettes et les chaussures, contempler le ciel étoilé comme jamais, téléphoner à sa belle pour la rassurer (non, je ne donnerai pas de nom)... Tout le monde se retrouve bien vite dans son duvet, et le complète d'une ou deux couvertures du refuge.

Lundi

Réveil à 7h30, pour constater que le soleil se lève tout juste sur les montagnes de l'autre côté de la Tinée. Le spectacle est magnifique, mais malheureusement cela ne réchauffe rien... Après un rapide aller-retour dehors, je retourne sous les couvertures, pour un petit quart d'heure supplémentaire. Ensuite, il est temps de se lever, bien que le soleil n'en fasse rien, un stupide sommet l'en empêchant. Toutefois, la chaleur commence un peu à arriver. Nous constatons que les efforts de Ludo pour faire repartir le feu au milieu de la nuit n'ont pas été couronné de succès, et que l'eau a commencé à geler. Il reste cependant assez de liquide pour le café et le thé, et nous décidons même de ne pas refaire le plein d'eau au ruisseau. Après avoir nettoyé le refuge, payé la nuit et refait les sacs, nous repartons, sous le soleil (9h45). Cette fois-ci, l'objectif est le Ténibre, mais nous contournons le lac par le même chemin que la veille. Nous empruntons ensuite la langue de terre qui sépare les deux lacs, et rejoignons le chemin d'été au pied de la montée vers le col de Rabuons. Là, Ludo masse un moment ses pieds gelés, et nous commençons à monter. Pour se réchauffer, ce même Ludo impose un rythme soutenu, et nous retrouvons très rapidement au niveau des petits lacs, d'où nous pouvons apercevoir le col. Après avoir ramassé un peu de neige afin de reconstituer en partie notre provision d'eau, nous nous lançons à l'assaut de la deuxième grosse montée de la journée. La neige est déjà un peu fondue (10h30), et la progression est éprouvante, d'autant plus que pour une fois ce n'est pas Ludo qui ouvre la voie (quelle erreur!). Enfin, une montée un peu moins raide nous amène au col de Rabuons, d'où nous allons pouvoir nous élancer vers le Ténibre. Auparavant, nous contemplons les traces que des skieurs ont laissé sur le versant italien, couloir très raide et rocheux. Au moment où nous allions repartir, deux skieurs arrivent au sommet de la crète que nous devons emprunter. Il descendent pendant que nous commençons à monter, et nous les croisons très peu de temps après notre départ du col. Bien évidemment, ils descendent ensuite du côté italien. Quant à nous, nous effectuons cette montée emmenés par Ludo, donc sur un bon rythme. Une petite traversée de crète un peu délicate (mais sans danger dès lors qu'on apporte un minimum d'attention à ses pas), et nous voici au Ténibre (~12h15).

Nous consacrons un certain temps au paysage, qui le mérite bien, malgré une très légère brume à l'horizon. En particulier, le Viso apparaît dans toute sa majesté de géant solitaire, et le Mounier est paré d'une couverture blanche du plus bel effet. Il faut cependant repartir assez vite, car il reste une part importante de descente enneigée, et nous n'avons pas envie d'avoir la même qualité de neige qu'hier sur les pentes du Corborant. Le premier couloir est franchi avec prudence, même si Ludo effectue une belle glissade à la fin, qui lui vaudra une foulure du poignet, dont il ne se rendra compte qu'en soirée (et encore). Ensuite, la pente devient un peu plus douce, mais autorise encore des glissades (cette fois-ci parfaitement contrôlés), et une allure soutenue. Nous arrivons ainsi en haut d'un deuxième passage délicat, avec une neige qui commence à être très molle, et la progression est bien ralentie. Une fois en bas, nous nous posons sur quelques rochers ensoleillés pour manger (~13h45). Contrairement à la veille, nous ne nous attardons pas, car Matthieu et moi aimerions avoir un peu de temps avant de prendre notre train, et il reste environ 1400m de descente. Après une dernière descente dans la neige (~14h15), nous retrouvons le chemin de l'energie, un peu plus bas que la veille, et nous le prenons dans l'autre sens pour arriver sur la crète qui domine St Etienne de Tinée: il reste environ 1200m à faire sur cette crète, en ligne droite.

Comme en novembre, le début de la descente est idéal: raide juste ce qu'il faut, avec quelques cailloux, quelques bosses, un itinéraire à bien choisire entre les épineux, bref de quoi s'exprimer pleinement quand vos genoux vous en laissent la possibilité. Là encore, nous croisons un chamois, tout en noir à l'exception de la petite tâche blanche de sa tête. Il ne se montre qu'un instant avant d'entamer lui aussi une descente, évidemment bien plus rapide que la nôtre. Nous arrivons donc assez rapidement aux premiers alpages qui dominent St Etienne de Tinée, et à partir desquels le chemin devient un peu moins intéressant. Contrairement à ce qui s'était passé à la Toussaint, où Ludo s'était alors lancé dans une course qui aurait provoqué le suicide de son médecin s'il avait été là, et qui nous avait alors permis de boucler la descente de la crète en 3/4 heures (pauses comprises), nous adoptons rythme un peu plus calme, d'autant plus que la tendinite de Matthieu se réveille. Nous arrivons donc à St Etienne vers les 16h15, pour -enfin- enlever chaussures et vêtement de marche, au grand amusement de quelques gamins du village, et remettre des habits civilisés.

Virgile


SUN APR 7 13:33:24 CEST 2002 Commentaires